Un acte manqué
Il l'aimait comme ce n'était pas permis, comme dans ces histoires d'amour infini. Il adorait son visage d'ange, ses longs cheveux blonds.
Il idolâtrait son innocence.
Il avait 17 ans et construisait chaque nuit sa vie avec elle.
Ses rêves étaient emplis de sa présence. Il était sûr de lui, de sa réponse.
Il en avait parlé longuement à ses parents, tout d'abord effarés de tant de ferveur inconsciente, et ils lui avaient ouvert leur maison. Il avait osé lui parler sans rien exiger, elle l'avait enfin regardé.
Pour lui, elle avait cessé d'écouter les autres, elle avait essayé de comprendre.
Elle avait accepté qu'il lui prenne la main et qu'il y dépose un baiser. Il lui avait exposé ses projets d'avenir, lui avait dit que tous, chez lui, l'attendait, elle, et aucune autre.
Il lui avait écrit une lettre d'amour décrivant la maison où elle serait accueillie avec tant de bienveillance.
Elle avait accepté, heureuse de tant d'attentions.
Puis elle avait eu peur. Elle n'était pas allée au rendez-vous fixé.
Elle n'avait pas osé en parler à sa mère, pas reçu de permission, certaine d'avance de sa réponse.
Elle était si jeune! Elle ne l'avait plus revu, il avait quitté l'école qu'ils fréquentaient tous les deux dès la fin du congé de Pâques.
Qu'était-il devenu? Avait-il été blessé? Avait-il pu aimer encore ensuite? Elle l'avait oublié, la vie avait repris son cours.
Aujourd'hui, 35 ans plus tard, elle pensait encore à lui avec quelque remord.
Elle espérait qu'il était heureux quelque part.
Elle se disait que peut-être, elle était passée à côté d'une vie plus belle, plus chaude, merveilleuse, idéale. Personne d'autre ne lui avait plus jamais donné autant de marques d'amour sincère.
Elle aurait voulu le revoir, être sûre de n'avoir pas commis un mal irréparable.
Elle aurait aimé partir l'âme sereine. C'était trop dur!
Comment expliquer à ses proches une quête aussi ridicule que sans espoir?